Retour sur le tout premier colloque du comité étudiant du CRI-JaDE
2 avril 2024 – Le tout premier colloque du comité étudiant du CRI-JaDE, intitulé Regards croisés sur l’inclusion, a réuni près d’une trentaine d’étudiant·es et chercheur·euses. Le colloque étudiant du CRI-JaDE visait à créer un espace pour discuter du concept d’inclusion, et ce, au regard de la multiplicité des approches disciplinaires et des différents angles d’analyse à partir desquels celui-ci peut être compris. Le pari du comité était qu’une interrogation critique du concept d’inclusion permettrait de cerner ses modalités d’opérationnalisation au sein de différents champs de recherche. Plus précisément, l’objectif de colloque était de se demander comment l’inclusion est théorisée et mise en œuvre en pratique au sein de différentes disciplines. Quels sont les freins à la mise en place de pratiques ou d’environnements inclusifs ? De manière corollaire, quels leviers peuvent être mobilisés afin de lever les obstacles repérés ? Au regard des enjeux identifiés, quelles perspectives peuvent être envisagées en matière de recherche et d’action ?
En plus de ses visées théoriques, le colloque avait pour objectif d’offrir aux étudiant·es travaillant sur le concept d’inclusion d’entrer en contact avec d’autres étudiant·es aux intérêts similaires. Ielles pouvaient y présenter leurs travaux, partager leurs idées et leurs expériences avec un public diversifié. Ce type d’opportunité d’apprentissage est précieux pour les jeunes chercheur·euses puisqu’elles leur permettent de découvrir la pluralité des perspectives sur l’inclusion en plus d’améliorer leurs compétences en matière de présentation et de communication dans un environnement de soutien et de collaboration.
La première présentation, intitulée « L’inclusion des personnes queer dans les espaces hétéronormées » fut donnée par Alex Boivert, personne queer non binaire qui fait une maîtrise en Design d’aménagement à l’Université de Montréal. Alex s’intéresse tout particulièrement au rapport entre le genre, la sexualité et les environnements bâtis. Dans le cadre de ses recherches, il travaille à mettre de l’avant le savoir-faire et les besoins des personnes queer pour imaginer un avenir plus sécuritaire et inclusif pour les personnes s’identifiant comme queer. Durant sa présentation, Alex a distingué les espaces sécuritaires, les espaces queer friendly, les espaces queerisés ainsi que les sanctuaires. Pour ce faire, elle a donné de nombreux exemples de lieux, passés et présents, à Montréal ouverts, pensés ou réappropriés par des personnes queer. Il nous a été ainsi possible de mieux voir les différentes formes que l’inclusion peut prendre lorsqu’il s’agit de (re)penser les espaces publics.
Bixie Caroline Lacoste, qui étudie au doctorat en anthropologie à l’Université de Montréal, nous a ensuite offert une présentation avait qui pour titre « Décoloniser par l’ethnologie : vers une déconstruction des narrations coloniales ». Spécialiste en ethnologie, Bixie s’intéresse tout particulièrement aux études de genre. Sa présentation visait à explorer comment la méthode ethnologique peut servir d’outil de décolonisation, en déconstruisant les catégories et les représentations d’héritage colonial. Plus précisément, ielle présentait l’autoethnographie, une méthode de recherche qui conjugue autobiographie et ethnographie. Le pari de cette approche qui donne un rôle épistémique important aux récits personnels aux chercheur·euses est de traiter la recherche comme un acte politique, nous a expliqué Bixie. En plus de mettre en lumière le potentiel de l’autoethnographie pour contester les narrations coloniales et l’intégrer de voix marginalisées dans la recherche, Bixie nous a parlé de son désir d’engager la communauté académique dans une réflexion sur les bénéfices des démarches participatives. Pour ce faire, ielle projette de réaliser un documentaire sur l’expérience de la non-binarité qui donnera la parole à plusieurs personnes, dont ielle-même.
La troisième présentation fut celle d’une des membres du comité étudiant du CRI-JaDE, Gabrielle Montesano étudiante au doctorat en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal et détentrice d’un brevet d’enseignement au primaire et au préscolaire au Québec. Gabrielle s’intéresse tout particulièrement aux pratiques inclusives, aux élèves issu·es de l’immigration récente, et à la diversité culturelle et linguistique du français. Intitulée « La situation d’inclusion scolaire de Nadia, une élève francophone issue de l’immigration récente : une étude de cas », sa présentation résumait une partie des résultats de la recherche qu’elle a menée dans le cadre de sa maîtrise. Elle nous a offert un portrait rapide de l’expérience personnelle d’une jeune fille de 11 ans prénommée Nadia qui a intégré une classe ordinaire dès son arrivée à Montréal. Ensuite, Gabrielle nous a présenté un protocole d’accueil qu’elle a élaboré suite à sa recherche pour encadrer l’arrivée des jeunes immigrant·es dans les classes ordinaires, afin de favoriser leur intégration.
La deuxième partie du colloque a débuté avec la présentation de Sarah DeGrâce, future étudiante en psychologie. Entrepreneure sociale et artiste autiste, Sarah est lauréate de la cohorte 2024 de l’incubateur de la Maison de l’innovation sociale, où elle développe le projet Leaders autistes, dont la mission est de renforcer le pouvoir d’agir et d’amplifier les voix des personnes autistes au Québec. Passionnée par la mobilisation citoyenne, elle siège sur le comité de coordination du Mouvement Jeunes et santé mentale et s’occupe des communications à l’Association québécoise pour l’équité et inclusion au postsecondaire. Sa présentation « L’inclusion absolue, c’est l’absence d’accommodement » portait sur la manière spécifique dont les personnes autistes, et plus largement par les personnes neurodivergentes, peuvent s’engager socialement. En plus de faire un état des lieux sur les pratiques d’intégration, Sarah a invité le public à remettre en question les indicateurs d’impact utilisés en innovation sociale afin de repenser les stratégies d’intervention en autisme.
Saja Farhat, étudiante au doctorat en philosophie à l’Université de Montréal, dont les principaux intérêts de recherche sont la philosophie politique, la justice sociale et la question de la responsabilité politique collective, a présenté une communication intitulée « Marginalisation et Inclusion : défier les structures d’oppression invisible ». Résumant les conclusions de ses recherches à la maîtrise, Saja proposait une manière d’utiliser la théorie d’Iris Marion Young sur les cinq dimensions de l’oppression (Five Faces of Oppression), afin de développer des outils analytiques capables d’identifier et de comprendre d’autres formes d’injustice dans les démocraties libérales. Cette approche a comme particularité de concevoir l’oppression comme une un processus structurel qui touche les individus en tant que membres de différents groupes sociaux minoritaires ou minorisés. Saja s’est concentré tout particulièrement sur trois dimensions de l’oppression : la marginalisation, l’impuissance et l’impérialisme culturel. Après les avoir définis, elle a conclu sa présentation en proposant une approche inédite pour comprendre la marginalisation, soit l’approche SITE qui signifie Suppression, Isolement, Troubles internes et Exclusion.
Le colloque s’est terminé avec la présentation de Raquel Fernandez, étudiante à la maîtrise en Aménagement à l’Université de Montréal, intitulée « Exploration féministe de l’espace urbain, regard critique sur la sécurité à Montréal ». Déterminée à penser ensemble le design et la justice sociale, Raquel enracine solidement ses travaux dans les théories féministes et queers. Sa recherche met l’accent sur l’importance du design social dans la compréhension et la transformation des espaces urbains. Elle nous a présenté son projet de maîtrise qui consiste à explorer les dimensions de genre dans l’espace public en examinant l’expérience sexuée de l’environnement urbain et le potentiel de transformer la ville avec les principes d’urbanisme féministe. Plus précisément, Raquel a expliqué comment l’aménagement urbain peut influencer leurs expériences dans les espaces publics montréalais, en problématisant les notions de sécurité urbaine et de sentiment d’appartenance.
La bonne participation et la richesse des échanges avec le public ont fait de ce premier colloque étudiant un succès. En effet, les présentations ont suscité de nombreuses questions. Les échanges furent riches et l’ambiance des plus cordiales.